Concertation « avec nous », les vieux

Comme le disait si bien Emmanuel Hirsch dans son intervention face à Jean-Jacques Bourdin, le 16 avril 2020, la concertation est une ardente nécessité pour que les « sujets » dont il est question ne deviennent pas les « objets » de décisions les concernant, « pour leur bien », mais sans eux, indépendamment de leur avis, de leurs besoins tels qu’ils les ressentent. L’urgence, à certains moments, impose des choix sans concertation mais l’urgence ne peut s’étendre indéfiniment dans le temps ; il advient un moment où la réflexion s’impose et, là, elle ne peut être comprise et adoptée sans que les personnes concernées en soient « partie décisionnelle ». À tous les moments de nos vies, il arrive que l’on doive choisir entre deux « risques ». Oui, qui peut décider pour un autre du risque qu’il y a lieu de choisir et d’assumer et qui va en payer les conséquences ?

 

Nous sommes souvent bridés en vieillissant, il y a comme une volonté de nous empêcher de prendre des risques. Pour nous protéger, nous sommes infantilisés. Au nom de « notre » vie on nous empêche de vivre. Le principe de précaution est, dit-on, bien là pour nous protéger ; mesure-t-on la privation de « liberté » qu’il nous force à vivre ? Attention nous pourrions avoir le sentiment de devenir les marionnettes de nos protecteurs, d’être instrumentalisés… À quelles fins ? Et au bénéfice de qui ? Dans quelle mesure notre libre arbitre serait-il vraiment incapable de nous maintenir dans des propositions raisonnables. Nous connaissons bien les défaillances de conduite automobile chez certains, qu’il faut donc parfois refreiner parce qu’ils sont inconscients de la dangereuse détérioration de leurs réflexes, mais est-ce une raison ? – un droit ? – pour empêcher des projets personnels dans d’autres domaines ?

La question de la mesure, de l’équilibre entre lois et libertés se pose. L’évaluation du danger pour soi et pour les autres est légitime. Nous pensons à OLD’UP que cette évaluation est trop souvent trop restrictive, non négociée, imposée. Participons à la négociation, à la concertation, comprenons mieux, soyons éclairés sur les conséquences des risques que nous voulons prendre, voyons notre intérêt et celui des autres, prenons aussi des risques qui soient compris et entendus. Si l’on triche avec les recommandations qui font loi, n’est-ce pas le seul langage qui nous reste parfois pour confirmer notre existence de sujet ? 

Des progrès exceptionnels ont émergé ces dernières années, par exemple dans le consentement au traitement proposé et conseillé dans les maladies graves, le choix respecté des volontés anticipées, etc. Pourquoi, soudainement ces marques de respect pour « la personne » et les risques qu’elle choisirait de prendre, s’effaceraient-elles à cause de cette pandémie ?

Offrez-nous la considération de nos personnes, donnez-nous la chance de participer aux décisions qui nous concernent ! 

 

Marie-Françoise Fuchs

Médecin, présidente d’honneur de OLD’UP.