Enquête déconfinement

Photo : Hervé Baudat

Le déconfinement doit-il s'appliquer à tous ?

Enquête n° 1 réalisée sur le site ethique-pandemie.com du 20 au 26 avril 2020.

Des spécialistes analysent et discutent l’enquête :

  • Aurore Boyard, avocate
  • Françoise Keltz-Drapeau, professeur de philosophie, Espace de réflexion éthique IDF / Université Paris-Saclay
  • Anne Caron-Déglise, magistrate, avocate générale à la Cour de cassation
  • Catherine Ollivet, présidente de l’Association France Alzheimer Seine-Saint-Denis
  • Régine Benveniste, psychiatre, membre du Collectif les Morts de la Rue

Analyse brève des questions

1-Dans le contexte actuel de pandémie, qu’est-ce qui caractérise une situation de vulnérabilité ?

Ce n’est pas l’âge, contrairement à l’hypothèse émise au début de la pandémie qui caractérise la situation majeure de vulnérabilité (37,5 % des réponses), mais la dépendance physique ou psychique (74,1 %).
On constate que plus des deux tiers de répondant(e)s associent à ce critère de dépendance la précarité économique et l’isolement.

 

2-Qui doit décider de la poursuite du maintien d’une personne en confinement dès lors que la période de confinement générale aura pris fin en regard du degré de contagiosité des porteurs sains ou des malades guéris ?

Plus des trois quarts des répondant(e)s donnent le primum à la personne elle-même pour décider de la poursuite, ou non, de son confinement ; la précision « aidée le cas échéant par un tuteur […] », visant à inclure les personnes dont la capacité de jugement peut être altérée.
Le médecin reste cité comme décideur premier dans presque la moitié des cas.
Famille, proches, comme pouvoir publics sont relégués ici à un rôle négligeable.

 

3-Dans quelles conditions serait-il acceptable qu’une personne considérée comme vulnérable soit contrainte au confinement ?

Si l’application du principe de la contrainte des personnes vulnérables au confinement prime dans l’intérêt de la collectivité pour un peu plus de la moitié des répondant(e)s, l’intérêt de ces mêmes personnes est tout de même cité en seconde position. (41,5 % des réponses).

Ces principes étant établis, l’explication validée du confinement n’est plus alors citée que par un tiers des répondant(e)s pour ce qui concerne les personnes vulnérables.

 

4-Si le confinement d’une catégorie de personnes devait être imposé pour des raisons de santé publique, comment garantir le respect de la personne ?

Plus des trois quarts des répondant(e)s indiquent, qu’en cas d’obligation de confinement pour des raisons de santé publique d’une catégorie de personnes (sous-entendu vulnérables), le respect de ces dernières prime et implique qu’un dispositif de suivi accompagne cette obligation, associé à une réponse en tous points aux besoins des personnes considérées.
La concertation avec ces personnes ou leurs représentants et la proportionnalité de ces décisions aux enjeux approchent les cinquante pourcents des réponses.
On peut faire l’hypothèse que le caractère non-discriminant, cité seulement en quatrième position, est inclus pour les répondant(e)s dans les trois autres propositions choisies.

 

5-Quelles sont les catégories de personnes qui semblent avoir été négligées au cours de la période de confinement qui a débuté le 17 mars ?

Les sans-abris sont considérés par plus des trois quarts des sondés comme ayant été négligés au cours de la période de confinement. Les personnes présentant des handicaps ou des pertes d’autonomie ne viennent qu’en seconde position (60,6 %), sans doute sont-ils moins visibles que les premiers, bien qu’étant en nombre incomparablement supérieur.
L’identification d’un domicile individuel ou collectif impliquant de facto un environnement humain familial, amical ou professionnel, il n’est cité que par un tiers au plus des répondant(e)s.

 

En conclusion

Vous avez a été plus ceux-cent cinquante à répondre cette première enquête relative à une méthodologie de déconfinement respectueuse de l’Humain.
Nous l’avons fondée sur l’affirmation de l’Académie nationale de médecine consistant à « considérer toutes les personnes présentant une fragilité de quelque nature que ce soit (âge, handicap, maladies chroniques) comme des personnes responsables et utiles à la société, et [à] ne leur proposer que des recommandations, à l’exclusion de toute réglementation contraignante et arbitraire. […] ».

Il est donc essentiel de cerner comment est ressentie la situation de vulnérabilité dans ce contexte de pandémie qui nous préoccupe, afin de pouvoir penser concrètement les anticipations possibles de son évolution et les mesures de protection associées.

Vous vous êtes montré sensibles, tant à la préservation autant que possible du libre arbitre des individus qu’à la préservation de l’intérêt de la collectivité.
À l’exception des cas où médecins et proches doivent prendre la décision, vous avez affirmé qu’il revient à chacun de peser, en conscience et connaissance de cause, la balance bénéfice risque.
Une communication large sur les modes existants d’anticipation des situations de vulnérabilité doit donc être développée, soutenue par une véritable politique publique d’information et de protection des personnes concernées associant tous les acteurs de la société.
En outre, les solidarités existantes, en situation de crise, doivent être renforcées au bénéfice des personnes handicapées et des personnes sans abri.

L’effort que nous savons désormais indispensable en termes de santé publique et d’éducation thérapeutique et qui renoue avec une tradition dont nous nous sommes détournés à la fin des années cinquante est plus que jamais d’actualité en cette période de confinement et en prévision de celle qui la lui succéder, il nous met au défi de nous appuyer de façon renouvelée sur nos valeurs d’égalité et de solidarité.