Éthique & Pandémie : Résultats de l’Enquête n°2

Proposer une application sur Smartphone pour identifier les porteurs du Coivid-19 ?

Enquête n° 2 réalisée sur le site ethique-pandemie.com du 29 au 6 mai 2020.

1. Analyse brève des questions
2. Quelques éclairages à partir de contributions proposés sur le site ethique-pandemie.com

1. Analyse brève des questions

Les enseignements de cette enquête n°2 font apparaître qu’avant que ne débutent les débats parlementaires qui y ont été consacrés plus de 57 % des répondant(e)s estimaient le recours à l’appli plutôt justifié.

Pour autant, ils restent vigilants à plus de 58 % quant aux risques d’un usage détourné des données recueillies en cas de déficit d’un contrôle rigoureux par une instance indépendante.
Et plus de 55 % émettent une réserve majeure sur constitution de fichiers dans un contexte peu sécurisé qui attenterait aux libertés individuelles.

L’absence d’expérimentation testant la pertinence et la sécurité du dispositif inquiète plus de 61 % des répondant(e)s.

En cas de suspicion de contamination, le médecin de proximité est, à 55,7%, privilégié comme l’interlocuteur légitime, devant des initiatives telles que les « brigades d’anges gardiens ».

En conclusion
Cette enquête-flash permet à tous celles et ceux qui consultent notre site d’exprimer, dans le contexte d’urgence actuel des arbitrages politiques relatifs aux choix de santé publique et des technologies qui leurs sont associées, leurs certitudes, leurs souhaits et leurs inquiétudes.
Associée aux trois catégories d’articles qui enrichissent au fil des semaines ethique-pandemie.com, elle leur offre une base de réflexion vivante et étayée, au contraire des positions de défiance de principe à l’égard des expertises sollicitées par les pouvoirs publics.

DC / EH

2. Quelques éclairages à partir de contributions proposés sur le site ethique-pandemie.com

2.1) L’appli doit être mise en œuvre lorsque les instances publiques chargées de la décision auront apporté la preuve de la qualité de ses modalités de contrôle par une instance indépendante associant des représentants de la société civile pour 44,8% des répondant(e)s.

L’application Stop Covid nécessite une éthique de la confiance
Par Benjamin Pitcho
Avocat à la Cour, ancien membre du Conseil de l’Ordre, maître de conférences à l’Université

Notre gouvernement doit veiller à respecter et faire respecter un difficile équilibre entre l’efficacité des dispositifs de lutte contre la pandémie, qui permettent de diminuer le nombre de décès, ainsi que le maintien des libertés qui conditionne l’acceptabilité des mesures et le maintien du pacte social qui construit notre Cité.
Ni l’autoritarisme, ni l’angélisme, ne sont des standards efficaces. Il faut savoir réglementer avec la main la plus légère souhaitable.
Le sens de la responsabilité individuelle et du bien commun, ainsi que le principe de fraternité inscrit dans notre Constitution qui nous lie les uns aux autres, seront les seuls outils qui nous permettront de triompher de cette épreuve.
Une application potentialisera ces outils à condition qu’elle soit accompagnée d’une confiance des gouvernants pour les citoyens et des citoyens entre eux.
L’application Stop Covid nécessite donc bien une éthique de la confiance.

2.3) Le dispositif doit être testé avant son déploiement, car c’est une condition de la confiance pour 61,3% des répondant(e)s.

Le traçage numérique : pour ou contre ?
Par Alexei Grinbaum
Chercheur au laboratoire de philosophie des sciences (LARSIM) du CEA-Saclay et enseignant d’éthique des sciences, membre du Comité national pilote d’éthique du numérique.

Les applications pourraient apporter une contribution significative sur le plan épidémiologique. Toutefois, aucune mesure quantitative de leur effet n’a été publiée, aucune expérimentation menée, à part l’exemple ambivalent de TraceTogether à Singapour. Il est donc urgent de tester l’efficacité des applications, à la fois sur des modèles et sur un choix argumenté de ville ou région, et ce avant tout déploiement à l’échelle du pays. Si leur efficacité n’était pas avérée ou si elle n’excédait pas celle du confinement aléatoire d’une partie de la population, il faudrait alors renoncer à leur utilisation.

4. Quels dispositifs particuliers mettre en place pour les personnes identifiées comme ayant côtoyé une personne porteuse du Covid-19 ?
Les inciter à contacter immédiatement leur médecin ou une instance de santé publique dédiée pour être testée, pour 55,7% des répondant(e)s

« StopCovid » : se conformer au Règlement sur la Protection des Données
Par Yaël Hirsch
Avocat à la Cour (Paris) | Attorney at Law (New York)
La solution devra impérativement répondre à tous les principes établis par le RGPD, en particulier celui de la proportionnalité et la minimisation des données. Ces principes requièrent une collecte et une conservation de ces données limitées à ce qui est strictement nécessaire pour les besoins de cette solution. En pratique, l’utilisation de données relatives à des individus devra se faire sur la base du consentement et en évitant l’utilisation de technologies de suivi des déplacements, comme la géolocalisation.

5. La mise en œuvre de l’appli semble susciter des questions concernant notamment le respect de la sphère privée et des libertés individuelles. Quel risque vous parait majeur ?
La constitution de banques de données pour d’autres objets d’utilisation (notamment par des institutions ou organismes publics ou privés) pour 55,2% des répondant(e)s.
Le contact tracing : un suivi de la pandémie, mais bien plus encore
Par Olivier Blazy
Maître de Conférences en Informatique, Institut de recherche xlim, UMRCNRS 7252
Les nouvelles technologies invitent au pire comme au meilleur. Pour que cette application soit adoptée, Il n’existe pas d’argumentation préétablie ; il faut rassurer la population et lui expliquer les choix faits pour sa protection et sa sécurité.
Pour avoir l’appui des experts, il faut décrire publiquement son fonctionnement, être transparent dans sur son élaboration et sur son implémentation (donner accès au code pour prouver que ce qui est fait correspond à ce qui est décrit) et avoir un contrôle sur le matériel utilisé (a minima par l’ANSSI). La politique publique suivra alors, sous réserve de tests suffisants pour lever les doutes,
Le numérique n’est pas un bouton magique résolvant tous les problèmes, il est un soutien au monde réel et avancer sans se le rappeler est d’un grand danger.