Concertation démocratique, redéfinition de notre interdépendance

L'homme est un être « bio-psycho-social »

La pandémie du Covid-19 nous rappelle douloureusement que l’homme est un être « bio-psycho-social », identités inséparables définissant la globalité de l’homme en relation avec la nature. Le déconfinement devra tenir compte de ce concept en rappelant les valeurs humaines, véritables « homéostasie sociale », qui seront indispensables à la reprise de l’activité sociale. Une réflexion sur ces valeurs d’« homéostasie sociale » doit permettre de ne pas opposer l’individu (et non l’individualisme) avec la collectivité et son organisation sociale, et de mettre en évidence l’importance des rites et des liens sociaux, sous-tendant la solidarité et une interdépendance humaine associées à l’empathie. Cette réflexion éthique est le quotidien de l’équipe du centre de rééducation fonctionnelle de Saint Blancard qui prend en charge des malades lourdement handicapés sur le plan neurologique avec une conscience perturbée, nécessitant une approche globale en raison de l’atteinte aussi bien de l’aspect biologique, psychologique que social, responsable d’un isolement devant les troubles cognitifs et d’un équilibre médical précaire.

La création et l'intégration des personnes vulnérables

Cette situation a nécessité durant plusieurs années de mettre en place, grâce une équipe interdisciplinaire intégrant les soignants, les non-soignants, les familles, une organisation quotidienne associée à une commission éthique trimestrielle, s’appuyant sur les nouvelles technologies comportant la numérisation des données, la vidéo, les réseaux sociaux, qui permettent une approche globale, et de définir le sens du soin avec l’intégration et l’accompagnement de ces personnes fragiles. Ce cas de figure est bien sûr retrouvé chez d’autres personnes vulnérables, en raison de leur précarité sociale, de leur lourd handicap d’origine médicale ou dû à l’âge, et dont la réponse a été, jusqu’à maintenant, une approche institutionnelle (telle que l’EHPAD, centre pour handicapés, etc.) avec les risques d’isolement social, d’une potentialisation des risques et des problèmes due au regroupement de ces personnes vulnérables isolées. Cette crise due à une pandémie par le Covid-19 nous renvoie à l’épidémie de peste du Moyen Âge et à la pandémie de la grippe espagnole du début du XXe siècle avec ses réactions politiques et religieuses pouvant mettre en cause la symbolique et les valeurs de la vie, de l’amour et de la mort avec ces liens sociaux.

Concertation démocratique, redéfinition de notre interdépendance

Ces liens sociaux peuvent se définir comme des besoins d’interdépendance des hommes à travers des groupes sociaux (école, entreprise, association, famille), rappelés par Pagnol avec La femme du boulanger où l’ensemble du village soutient le boulanger dans ses problèmes familiaux afin d’avoir l’assurance de son pain quotidien… Le bouleversement de notre société, à travers la mondialisation, les nouvelles technologies d’information et de communication, l’intelligence artificielle, les nano-techniques, doit retisser nos liens à travers une concertation démocratique redéfinissant notre interdépendance et notre dépendance avec la nature, véritable révolution culturelle. Ce bouleversement de notre société doit, à travers la concertation, évoquer : – une réflexion médicale et scientifique afin de lutter contre le taylorisme de la médecine mettant le patient comme objet de soin et non comme sujet social (posthumanisme), aux risques de créer des chimères biologiques aussi bien au niveau microbiologique que génétique. Réflexion élaborée dans la loi de bioéthique nécessitant de maintenir la concertation ; – une réflexion sur la pensée, en particulier de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux, véritables outils de communication et de liens, qui doit respecter les relations interhumaines et sa nature ; – une réflexion sociale qui impose un « doute actif » sur nos modèles concentrationnaires avec l’hyperurbanisation, la modification de l’environnement au péril planétaire et des autres êtres vivants et qui nécessite par ailleurs, une véritable remise en cause des statuts sociaux et professionnels.

Organiser des états généraux pour l’après-Covid

Cette pandémie, véritable fléau, ne doit pas confondre, comme dans l’approche systémique, les causes et les résultats. Cette infection par le Covid-19 n’étant que le résultat voire une « création » de l’homme par son intervention sur sa nature humaine et son environnement, modifiant le genre humain ainsi que les autres espèces vivantes. Cette mutation interhumaine nie sa nature, ses origines avec une mise en péril de son avenir. La nécessité d’organiser des états généraux autour de ces fléaux biologiques avec une première alarme lors du la grippe aviaire à H1N1, suivie actuellement par le Covid-19, nécessite de remettre en cause ces modèles sociaux, sanitaires et médicaux et de conforter des relations de confiance aussi bien au niveau des politiques, des hauts fonctionnaires et des scientifiques et d’essayer de supprimer, voire de diminuer, le hiatus qui semble exister entre le monde politique et le monde social. Cette concertation sera indispensable pour la reprise de l’activité économique et sociale, Et surtout le garant pour l’avenir de la future génération

Bernard Lange

Neurologue-MPR, médecin-directeur, centre de rééducation de Saint Blancard, président A.G.H.I.T.C (Association de gestion du handicap et de l'insertion du traumatisé crânien).