Un changement caractérise cette pandémie : la communication de données scientifiques sans attendre une évaluation par les pairs. L’impression est que l’évaluation est faite autant par le public que par les agences de l’État. Peu de voix se sont élevées contre le sondage IFOP publié dans Le Parisien (5 avril 2020) avec le titre « Covid-19 : 59% des Français croient à l’efficacité de la chloroquine ». Notre démocratie a délégué l’évaluation des médicaments à une Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé qui a autorité. L’Agence ne peut pas autoriser une indication d’un médicament sans disposer de données de recherche respectant les régulations et principes d’intégrité de la recherche. Ce sondage est une conduite peu responsable qui retarde la conduite d’une recherche de qualité, d’autant plus qu’une pétition en faveur d’une utilisation de la chloroquine a été portée par des médecins.
Les archives ouvertes sont un progrès en science sous réserve d’en comprendre l’utilité. Il s’agit pour un auteur de déposer son manuscrit sur une plateforme, comme medRxiv en médecine, pour porter à la connaissance de ses pairs des données qui n’ont pas été évaluées. Ces archives ont un avertissement qui semble ignoré : « Les rapports préliminaires de travaux n’ont pas été certifiés par une évaluation par les pairs. Ils ne doivent pas servir à orienter la pratique clinique ou les comportements liés à la santé et ne doivent pas être présentés dans les médias comme des informations établies. » Ces manuscrits ne devraient pas être discutés en public ou discutés avec des précautions de langage spécifiant toujours que ces résultats ne sont pas validés. La pandémie nous a montré une confusion fréquente entre manuscrit non validé par des pairs et publication dans une revue scientifique. Les réseaux sociaux (twitter, Facebook), des sites d’institutions, voire dropbox, ont hébergé des informations scientifiques diffusées largement sans avoir été évaluées par la communauté scientifique. Intégrité et fake news ne font pas bon ménage !
Le 7 avril 2020, le comité d’éthique et la mission à l’intégrité scientifique du CNRS ont rappelé les principes inhérents à la recherche scientifique et biomédicale dans ces temps de crise sanitaire : « Dans sa communication avec le grand public, la recherche biomédicale doit répondre aux questionnements légitimes de la population, tout en évitant les effets d’annonce et en demeurant sobre, prudente, didactique et précise. Enfin, dans sa quête inconditionnelle de vérité, la recherche scientifique doit fonder sa démarche sur des principes d’intégrité scientifique qui paraissent, parfois, difficilement compatibles avec l’urgence. Pour autant, cette situation n’autorise pas que l’on s’affranchisse d’aucun de ces principes. »
L’auteur s’engage à fournir des éléments de preuve pour étayer les informations de cet article.
Médecin de santé publique et rédacteur scientifique