La politique est devenue folle en perdant le sens de l’avenir : les jeunes

Jusqu’où cela doit-il aller ?

La pandémie de covid-19 semble avoir rendu folle la politique à l’échelle du globe en ayant perdu le sens de l’avenir : assumer la responsabilité du monde pour permettre aux jeunes de l’habiter de façon durable et agréable (et entrer à leur tour dans cet engagement vers l’avant). Judiciarisation de l’État aidant, les élus donnent davantage l’impression de protéger leurs arrières en mettant en scène une transparence de l’information sanitaire qui confine au ridicule avec cet unique indicateur de la façon dont la propagation virale embouteille les services de réanimation. Après avoir eu l’impression que les citoyens étaient pris pour des imbéciles, il faut se rendre à l’évidence : la politique a perdu la raison avec cette attention monomaniaque générant des désastres. Le remède (confinement, gestion autoritariste, prise de décision unilatérale et tutti quanti) s’avère en effet pire que la maladie. Il génère non seulement des victimes chez les jeunes (addictions aux écrans, phobies sociales, décrochage universitaire des étudiants isolés derrière un écran, désespoir des diplômés de ne jamais pouvoir travailler, dépressions, etc.), mais surtout une déflagration économico-sociale sans précédent, entérinant la fermeture d’un avenir heureux possible aux jeunes générations. Nous aurions aussi pu choisir de confiner uniquement nos aînés ou de proportionner les mesures et laisser la place à une initiative individuelle en donnant aux personnes âgées les moyens de se protéger par elles-mêmes (livraison de courses, visites médicales à domiciles, etc.), sans empêcher pour autant les jeunes de sortir, de réaliser leurs études, de trouver un emploi, etc.

Nous reprochons parfois aux étudiants d’organiser des soirées en plein confinement. Mais n’ont-ils pas le droit de fonder des amitiés ou de construire une conjugalité ? Pour cela ne doivent-ils pas commencer par se côtoyer, se voir, se toucher ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Jusqu’où cela doit-il aller ? Allons-nous leur interdire d’avoir des enfants pour protéger nos aînés – qui, contrairement à nos dirigeants politiques n’ont pas peur de quitter le monde qui les a vu naître. Par ailleurs, nous demandons aux jeunes de faire un petit effort à l’égard de leurs aînés dont l’héritage est pour le moins problématique : refus de prendre au sérieux le rapport du club de Rome de 1972 sur les limites de la croissance, consommation de la planète, légation d’une biosphère positionnée sur une trajectoire climatique impropre à la vie humaine en société dans un nombre croissant de régions à travers le globe.

Rallumer les étoiles permettant d’ouvrir à nouveau l’avenir aux jeunes

La politique est-elle à ce point devenue irrationnelle que son unique mission soit de garantir un lit en réanimation à chaque personne ayant dépassé l’âge moyen d’espérance de vie ?! La politique a-t-elle oubliée dans sa déraison qu’à partir d’un certain âge… on meurt ? Et que, face à cela on ne peut rien faire. Fort heureusement, passé un certain âge, il est l’heure de tirer sa révérence pour laisser aux jeunes la possibilité d’habiter le monde et d’en assumer la responsabilité. La place laissée par le départ de certains est la condition de l’existence d’autres. Ainsi va la vie. Permettre aux plus âgés d’avoir, quoi qu’il en coûte, une place en réanimation, quitte à éteindre l’espérance qui permet à demain d’advenir est pure folie. Rallumer chez les jeunes la flamme qui nous tend vers l’avant ne se fera pas en un claquement de doigts, d’autant plus que sa gardienne – la politique – s’est égarée. En ce sens la voix des éducateurs et enseignants dans la Cité est fondamentale. Ils ont beaucoup à apporter à la politique pour qu’elle retrouve sa seule raison d’être : la préparation de l’avenir.

Si souvent nous entendons que « nous n’avons pas le choix », que les décisions sont « difficiles mais s’imposent à nous » compte tenu du contexte sanitaire. Nous avons alors souvent affaire à une rhétorique de la preuve de la justesse politique des décisions autoritaires fondées sur le déploiement d’une même stratégie dans d’autres pays. Le fait que nos voisins réagissent de la même façon n’a rien de rassurant. Il n’y a là qu’un processus mimétique exacerbé en raison de l’incertitude du contexte. Fondamentalement nos dirigeants sont perdus et n’ont d’autre repère (en plus de ceux des épidémiologistes) que la façon dont ils communiqueront sur les décisions prises lors de la prochaine élection, raison pour laquelle ils mettent à ce point en scène une protection immédiate des populations. Où sont les hommes d’état qui pensent à la prochaine génération, aidée en cela par les philosophes et intellectuels tourmentés par la prochaine civilisation ? Où est cette créativité généreuse et décentrée de soi-même qui devrait être l’ADN de la politique ?

N’avons-nous pas affaire avec le covid-19 à une catastrophe face à laquelle nous ne pouvons finalement pas faire grand-chose ? Est-il raisonnable de mobiliser toutes les forces d’une nation pour contenir un fleuve qui sort de son lit, au risque que nos enfants se noient dans la bataille ? Ne serait-il pas plus sage « d’accepter » ce que nous avons généré, une zoonose devenue pandémique, pour nous mettre dès à présent dans une dynamique permettant de transmettre un monde hospitalier et agréable à vivre à nos enfants ? Les défis ne manquent pas : réchauffement climatique et vagues de chaleur mortelles, effondrement des écosystèmes et mise en péril de la sécurité alimentaire mondiale, déplacement croissant des populations à travers le globe, etc. Il en va ici de la pérennité de la vie humaine en société. Il est important de stopper la rhétorique de pondération écologique en raison de la crise sanitaire – ce qui a été réalisé par le Président de la République devant l’Assemblée citoyenne pour le climat.

Il est grand temps de quitter les indicateurs mortifères de la saturation des services de réanimation qui égarent la politique de sa raison d’être et de travailler à rallumer les étoiles permettant d’ouvrir à nouveau l’avenir aux jeunes.

Nathanaël Wallenhorst

Docteur en Sciences de l’éducation, Sciences de l’environnement et Science politique, maître de conférences HDR à l’UCO.