Le confinement a été destructeur pour Marie-Antoinette, 86 ans

Marie-Antoinette a quitté son domicile fin décembre 2019, elle se déplaçait difficilement en déambulateur et chutait parfois. Très vite installée à l’EHPAD, elle a du utiliser une chaise roulante pour ses transferts.

Lorsque je pénétrais dans la salle commune où elle assistait aux activités, son œil alerte me détectait immédiatement et sa main se levait pour que je la rejoigne. 

Puis mars est arrivé (confinement mis en place par le gouvernement) et deux mois ont passé.

Accompagné de la directrice pour la première visite dans le cadre du déconfinement, je l’ai retrouvée alitée dans sa chambre.

A la directrice qui lui demandait « qui est avec moi ? », elle lui a répondu : « c’est le docteur ! ». J’étais habillé avec charlotte, masque, blouse, gants, surbottes.

Hospitalisée quelques jours après pour de mauvais résultats d’analyses, les médecins de l’hôpital Georges Pompidou ont notamment détecté un escarre du sacrum important surinfecté (classe 4) qui avait atteint l’os.

Depuis 10 mois, la cicatrisation de cet escarre est en cours. La position assise n’est pas possible, elle reste dans son lit. Elle n’est pas sortie à l’extérieur de l’EHPAD depuis janvier (le temps n’était pas clément en début d’année), ni de sa chambre depuis mars sauf pour se rendre à l’hôpital. 

Elle a passé son anniversaire en août dernier, sans son mari, ni ses fils, ni ses petits-enfants autour d’elle pour ses 86 ans, dans sa chambre. J’étais seul à partager son gâteau. Je la vois glisser, le regard vide et le visage sans expression.

La Direction m’a accordé une dérogation pour la voir dans sa chambre quotidiennement (gestes barrières et PCR tous les 2 jours entre novembre et janvier). Le personnel fatigué fait le maximum pour le bien-être de Marie-Antoinette.

Marie-Antoinette n’a pas quitté sa chambre depuis mars 2020, nous sommes en mars 2021 : un an dans 13 m2 !

Le confinement a été destructeur pour Marie-Antoinette

Philippe Prince-Demartini