Les résidents de mon EHPAD ont simplement décidé de continuer d'être

Une année de pandémie, une année de restriction de visites en EHPADS quelles conséquences ?

Début 2020, je pensais que dès que le virus s’immiscerait dans le service, unité fermée, réservée aux patients atteints de pathologies dégénératives de type Alzheimer, nous ne serions pas en mesure de le contenir et ce serait un désastre. J’étais convaincue que ceux qui ne mourraient pas du virus ne survivraient pas à l’isolement. 

Lorsque les résidents ont commencé à être malades, certains ont été atteints de formes graves qui les ont conduits jusqu’au décès,  d’autres de formes intermédiaires et d’autres encore, de formes simples, passées inaperçues, décelées seulement par les tests dès qu’ils ont été pratiqués. Beaucoup de ces résidents ont survécu, même très âgés et avec des comorbidités. Ceux-là mêmes sont encore à ce jour dans les murs de l’EHPAD. 

Absente suite à une fracture, j’ai été surprise de retrouver les personnes que j’avais quittées 5 mois plus tôt, en parfaite santé, ayant repris du poids, le sourire aux lèvres. Il me semble aujourd’hui important de souligner leurs capacités d’adaptation et de résilience, car je connais bien le syndrome de glissement, lorsque l’envie de vivre disparaît. Celui-ci se produit d’ailleurs souvent à l’entrée en institution, lorsque la personne n’est pas consentante ou qu’elle n’a pas été préparée ou même prévenue.

Les résidents de l’EHPAD ont d’abord été coupés du monde, séparés de leurs proches, ou reliés simplement par vidéo. Puis, lorsqu’ils ont pu recevoir des visites, celles-ci étaient distanciées et masquées. 

On peut alors s’interroger sur les conditions qui ont favorisé ce désir de vie.

A mon retour de ce congés forcé, j’ai pu constater un renforcement des liens entre résidents, une solidarité qui n’existait pas auparavant, des gestes d’attention et de tendresse, gestes qui sont également présents entre résidents et soignants (et vice-versa).

Le désir de vivre n’est-il pas indissociable du besoin d’être reconnu, aimé, touché ? Lorsque l’esprit s’en va, que les capacités cognitives s’estompent, les sens ne prennent-ils pas le pouvoir sur l’intellect ? La personne se voit au travers du regard de l’autre, c’est ainsi que le langage physique remplace le verbal. Voir, sentir, goûter, toucher, caresser, écouter, chanter, danser… Lorsqu’on éprouve encore du plaisir, que l’on se sent considéré et aimé, n’est-ce pas suffisant pour donner un sens à sa vie ? 

Les résidents de mon EHPAD ont simplement décidé de continuer d’être.

Marie-Christine Montandon