Mettre l’humain et l’éthique au centre des actions des secours en temps de pandémie Covid-19

« Le respect de la personne humaine se fonde sur son caractère irremplaçable. »

 

Blaise Pascal

Face à des circonstances dramatiques d’urgence, comme nous pouvons le vivre depuis le début de la pandémie Covid-19, être secouriste est un vrai engagement civil. Les bénévoles des associations de sécurité civile engagés auprès des SAMU, des pompiers, de l’armée française et du corps médical français sont amenés à analyser des situations d’urgence où l’humain est au centre et à agir en conséquence, rapidement, dans les règles, en ayant une conduite éthique. Depuis le serment d’Hippocrate, la médecine a développé un corpus de règles éthiques qui ont formé une déontologie. Ces principes d’éthique médicale, enseignés dans les facultés de médecine, sont suivis de près par les professionnels de santé, mais sont également respectés par la société dans son ensemble, y compris les scientifiques, les gouvernements, le secteur privé et les militaires, et s’appliquent de façon logique au monde du secourisme. Après la Seconde Guerre mondiale, l’éthique médicale moderne a été institutionnalisée par le rapport Belmont, un document écrit par la commission nationale pour la protection des personnes aux États-Unis. Ce rapport proposait des principes éthiques et des lignes directrices pour la recherche impliquant des sujets humains selon quatre principes fondamentaux : l’autonomie et le respect, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. Des questions telles que le consentement éclairé, l’évaluation des risques et des bénéfices et la sélection des sujets sont traitées de manière pratique.

Créer une charte commune éthique

Il serait intéressant de partir de ce qui existe déjà dans les textes actuels des formations secouristes pour créer une charte commune éthique aux secouristes des associations agréées de sécurité civile, eux-mêmes acteurs à part entière de la chaîne des secours et de soins français. Il devient nécessaire qu’une telle charte soit rédigée et signée par tous ces acteurs tout en garantissant la spécificité de chaque association et en respectant l’historique de chacun. Cette nécessité est d’autant plus pressante que les secouristes sont amenés à prendre en charge des personnes en état de faiblesse, voire d’inconscience. Ils ont les mêmes obligations que tous les professionnels du secours dans la prise en charge de victimes. C’est le cas des missions que les secouristes assurent depuis le début de la pandémie Covid-19.

Mettre l’humain au centre des actions de secours doit être la priorité de tout secouriste. Les secouristes se mettent au service d’une personne qui en a besoin, tout en ayant les gestes de secours appropriés à la situation d’urgence à laquelle ils sont confrontés. Ils ont une vraie responsabilité civile : il leur faut prendre des décisions et en assumer les conséquences. Ils travaillent en équipe et en réseau interassociatif. Ils se doivent d’être à l’écoute des personnes qu’ils prennent en charge tout en respectant la liberté et l’intimité de cette dernière. Ils ne doivent pas agir contre le consentement de la victime prise en charge. Les informations obtenues lors des interventions de secourisme rentrent sous le couvert du secret professionnel et ne peuvent être communiquées qu’aux personnes ayant autorité (Code de la santé publique, article L.1110-4).

Se mettre au service des autres

Voici sept ans que je partage ma vie entre mon métier de chercheure et mon action de secouriste de l’Ordre de Malte France. Pour moi, revêtir l’uniforme qui fait de moi une simple secouriste est un privilège qui demande beaucoup d’humilité : je ne suis plus chercheure en neurosciences, mais une personne qui se met au service des autres. Les personnes que nous prenons en charge sont souvent dans des moments difficiles, il nous faut les regarder avec humanité et délicatesse. Nous sommes tous à la même enseigne quels que soient nos métiers, nos qualifications, et nous travaillons ensemble.

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, suivi du confinement, le plan ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) a été déclenché, comme à chaque fois qu’il y a besoin de secours à l’échelle nationale. À ce titre, les associations agréées de sécurité civile comme la Croix-Rouge, la Protection Civile, la FFSS, la SNSM ou l’Ordre de Malte France sont appelées à se mettre au service, sous la direction de la préfecture de police de Paris, du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Défense, des pompiers de Paris et du SAMU pour apporter des renforts humains et matériels.

L’ordre de Malte France au travers de ces Udioms (Unité d’intervention de l’Ordre de Malte) est l’une de ces associations agrées de sécurité civile qui intervient en France tout au long de l’année dans le cadre de dispositifs prévisionnels de secours, de gardes auprès des sapeurs-pompiers ou des SAMU mais également en dispensant des formations de premiers secours. C’est dans le cadre de ce dispositif ORSEC que l’Ordre de Malte France intervient depuis le début de la pandémie pour prendre en charge des personnes ayant une suspicion de Covid-19, en mettant à disposition des pouvoirs publics des moyens, du matériel et des bénévoles dans des délais très courts. L’Ordre de Malte France est par ailleurs impliqué dans d’autres missions en France, par exemple des maraudes sociales. « À Paris, l’UDIOM 75 a pris part au dispositif aux côtés du SAMU dès les premiers jours de mars et nous avons dû réfléchir notre manière de fonctionner pour apporter avec beaucoup de réactivité une réponse efficace et durable en pleine crise Covid-19. Au quotidien une cellule de crise coordonne et gère les effectifs et les moyens sur le terrain. Nos secouristes et logisticiens formés aux situations de crise ont su se rendre disponibles dès les premiers jours pour des missions de secours à victime, de transport de malade, de renforcement de la régulation médicale… Nous avons également pris part aux missions Chardon-TGV médicalisés. Les secouristes se rendent à domicile pour évaluer l’état de santé de la personnes prise en charge en réalisant un bilan qui est transmis au médecin régulateur. C’est grâce à ce bilan que le médecin décide si nous devons ou non transporter la personne à l’hôpital. Finalement au-delà de la durée de l’engagement, du renforcement de nos mesures de protection et de désinfection de nos matériels et véhicules, notre mission reste la même : venir au secours de la population[1] »

[1] A2C – Responsable des équipes de secours UDIOM 75.

Une belle performance

Se mettre au service de son prochain, « prendre soit de tout homme et de tout l’homme » est ce qui fait l’essence du secourisme. Ce que vivent les associations agrées de sécurité civile depuis le début de la pandémie du Covid-19 est sans précédent. Au cœur de cette crise sanitaire, les frontières entre les actions sociales et les actions de secours sont de plus en plus perméables, les enjeux sont autant sociaux que médicaux. Il ne faut pas sous-estimer l’épreuve que cette crise représente pour les secouristes eux-mêmes, les interventions qui s’enchaînent peuvent être dures à vivre. Il est essentiel de prendre soin de chaque secouriste investi tout au long de l’année et au cœur de cette crise sanitaire, et de mettre en valeur leur engagement citoyen qui est l’un des maillons de cette chaîne de secours français.

Cette crise révèle que les principes éthiques et les valeurs humanistes de la Croix-Rouge, la SNSM, la Protection Civile, la FFSS, et l’Ordre de Malte France sont communs, les gestes de secours sont les mêmes et sont pratiqués avec la même rigueur, la même précision permettant une vraie collaboration. La capacité de chaque association à travailler et à rester mobilisée avec les autres est réelle, permettant de s’unir et d’avoir une force de frappe beaucoup plus puissante, d’être présentes ensemble lors d’événement comme cette pandémie. Il n’est donc pas illusoire de s’imaginer qu’une charte d’éthique commune aux secouristes puisse être écrite après cette crise. Réussir à collaborer, à s’entraider, à se rendre disponibles ensemble pour tenir dans la durée et remplir leurs missions dans une chaîne de secours sous tension, quelle belle performance.

Laure Tabouy

PhD, chercheure en neurosciences, secouriste Ordre de malte, unité 75.