Ne pas pouvoir profiter des dernières années, peut-être de la dernière année de la personne que nous aimons

Une personne de ma famille est actuellement résidente dans un EHPAD dans le Tarn. Je suis soumise à adresser ce courrier de façon anonyme sans indiquer le nom de l’établissement tant ma famille craint que la moindre critique de l’établissement mette en danger la place attribuée. Ceci en dit long sur l’autocensure des résidents et des familles et sur l’impossibilité de rendre compte de la réalité.

Nous sommes très contents de cet établissement, l’attention et le soin porté sont d’une excellente qualité, c’est pourquoi il est difficile de critiquer l’établissement en lui même. Mais la gestion de la crise sanitaire laisse transparaitre des éléments qui restent cependant discutables. Afin de participer à cet appel lancé par le collectif du Cercle des proches, je décris comment l’établissement a mis en place le maintien des visites de nos parents. Chaque témoignage participe à une vision d’ensemble.

Dans l’établissement, jusqu’à aujourd’hui, le maintien des visites est assuré par des bénévoles qui organisent un planning et veillent au respect du protocole sanitaire. Ainsi il est permis de voir les résident.e.s dans une salle dédiée à cet effet pendant 20 minutes avec masque et tablier. Je ne sais pas comment cela se passe pour les résident.e.s ayant des difficultés de motricités. Le nombre de visite est dépendant de l’engagement des bénévoles (issus des familles elles-mêmes) et de leurs disponibilité ; ainsi il n’est pas assuré de voir le/la résident.e une fois par semaine. De plus lorsque plusieurs membres de la famille souhaitent rendre visite, une seule visite étant possible, puisque rare, il convient alors de décider qui pourra rendre visite. Ce qui n’est pas sans conséquence dans certaines familles.

Nous avons ensuite appris en février que les visites ne pourront se faire qu’après l’obtention d’un résultat PCR négatif. Les visites se font en chambre mais à ce jour aucune information sur la fréquence des visites n’est précise car encore une fois cela reste selon la disponibilité des bénévoles, cette fois chez les résidents eux-mêmes pour ne pas faire entrer des personnes extérieures. L’idée de faire un test tous les jours soulève alors la question de la santé « nasale » des visiteurs. Dans une zone rurale se sont des pharmaciennes qui nous font le test ; on a déjà observé plusieurs accidents, ma mère commence à craindre de ne pouvoir aller rendre visite car elle souffre encore de son précédent test.

Ce qu’il faut prendre en compte c’est que la personne résidente était visitée quasiment tous les jours pendant au moins 3h avant l’arrivée du virus par plusieurs membres de la famille et ce depuis 4 ans. Le changement de fréquence a donc un impact très important sur le moral et le maintien de la santé de cette personne. Reprendre un rythme de visite comme avant, demanderait un nombre impressionnant de tests et tout le monde ne veut pas jouer le jeu. Nous sommes deux aujourd’hui à nous alterner une semaine sur deux pour nous éviter de faire le test toutes les semaines.

Nous souffrons tous (enfants, petits enfants, arrières petits-enfants et autres membres de la famille) de ne pouvoir profiter des dernières années, peut être la dernière année de la personne que nous aimons tant et qui a en plus déjà attrapé la Covid sans en déclencher des complications (elle a reçu depuis sa première et unique injection). Il est assez difficile de voir nos ainé.e.s traité.e.s comme des prisonniers qui paient tout de même un prix conséquent pour les services reçus mais qui les isolent de l’amour des leurs, un détail essentiel il me semble pour une fin de vie.

 

Anonyme par obligation envers les membres de ma famille