On nous a volé et on nous vole encore les quelques moments où nous pourrions échanger

Impossible de parler sérieusement à quelqu’un dans ce mouroir 

Mon compagnon, atteint d’un « mix » Alzheimer/Parkinson, 78 ans, a été placé en EHPAD au tout début de l’année 2020… Impossible de le voir pendant les divers confinements « durs ». Je faisais plusieurs kilomètres pour lui faire un petit coucou muet de l’extérieur,  à sa fenêtre, par tous les temps. Puis, cet établissement a eu plusieurs cas de Covid. Le confinement est devenu total. Assignation à résidence dans la chambre. Encore impossible de le visiter. Il est resté plus de 60 jours enfermé ! Aucune visite de professionnels de santé extérieurs (kinés, par exemple).  Une grande partie des soignants étaient arrêtés : donc minimum syndical extrême pour la toilette, l’aide à l’habillement, contacts humains, soi-disant animations, etc.

J’ai fini par le sortir de là en novembre 2020, perdant cette place en EHPAD chèrement acquise… Je l’ai pris en charge jusqu’au début janvier 2021. C’était dur, très dur !

Une place d’EHPAD s’est libérée dans ma ville à la mi-janvier.  Le cœur très lourd je me suis résolue à l’y placer.

Je n’ai jamais pu voir sa chambre, ni l’installer. Protocole sanitaire aussi rude : 2 visites par semaine, dans une salle commune très bruyante. 

Il a fait partie des premiers vaccinés. Nous espérions qu’après la deuxième dose les choses s’amélioreraient ! Non ! Il ne quitte pas sa chambre où la fenêtre s’ouvre de quelques centimètres.

Impossible de parler sérieusement à quelqu’un dans ce mouroir : une secrétaire qui fait tout et qu’on a toujours l’impression de déranger. L’aide à la toilette et les soins sont réduits au minimum… Quand je le visite, il porte des vêtements tâchés, et semble ne jamais être lavé ni coiffé. Il dérègle souvent sa TV et personne ne l’aide. Il passe alors ses journées à regarder le plafond ! Il demande souvent à sortir : mais c’est interdit !

Nos existences sont en calvaire

Durant les visites, nous avons un « maton » qui tourne… Dès que je peux, dans son dos,  je lui prends la main…

Nos existences sont un calvaire, depuis presque un an. Cet EHPAD ressemble à une prison, la promenade quotidienne en moins… On se croirait au 19ème siècle dans un hospice !

Je pense que les détenus en centrale sont mieux traités que nos anciens dépendants !

Voilà mon témoignage : nous avons perdu 1 an si précieux d’échanges alors qu’il est en phase très avancée de la maladie mais qu’il me reconnait encore.  Une année de  calvaire pour nous deux ! Et nous ne voyons pas la moindre lueur d’espoir.

Son état s’est évidemment beaucoup, beaucoup détérioré en un an…

Malgré la double vaccination au tout début de février, malgré l’arrêt du Conseil d’Etat, malgré les préconisations du ministère de la Santé, la situation de mon compagnon dans l’EHPAD ne s’arrange absolument pas. Même protocole drastique… On nous a volé et on nous vole encore les quelques moments où nous pourrions échanger, partager le peu qu’il reste… Visites deux fois par semaine, hors de sa chambre, dans un espèce de parloir,  à une vingtaine de personnes, où l’on ne s’entend pas et où un « maton » surveille la moindre pression de la main ou esquisse de tendresse.

Anonyme